Par Carine Génois,
Commission Patrimoine
1946-1985 : des années d’histoire

La Maison des Carriers est l’un des principaux bâtiments communaux, elle est composée de quatre niveaux, de surfaces différentes. Actuellement, elle héberge plusieurs associations dont l’école de musique et un restaurant scolaire. Maintenir notre richesse associative et développer nos activités sportives, culturelles et patrimoniales est au coeur de nos préoccupations. C’est pourquoi, nous avons comme projet de la réhabiliter, pour la rendre plus pratique, accessible aux personnes à mobilité réduite mais aussi plus actuelle.
La Maison des Carriers à Saint-Fortunat, s’impose comme une forteresse éclectique depuis la place
Martel. Elle est mystérieuse voire étrange le long de la rue Victor Hugo. Elle nous présente un pignon nord très austère et fermé. Mais elle se montre aussi séduisante avec sa belle façade en pierre au sud. Construite en 1641 sur une ancienne carrière ouverte à l’ouest au 15e ou 16e siècle, elle a sans doute été, au gré de propriétaires successifs, une maison de campagne pour la bourgeoisie lyonnaise, et également la maison d’habitation d’une exploitation agricole. Mais la plus grosse demeure du hameau de Saint-Fortunat, dont la morphologie globale semble n’avoir que très peu évolué durant trois siècles, va connaître une métamorphose, certains diront même un massacre architectural, après la seconde guerre mondiale. Ainsi s’ouvre une parenthèse atypique de près de 40 ans en plein quartier historique, celui de l’aérium de Saint-Fortunat.
AERIUM, SANATORIUM ET PREVENTORIUM
Le contexte de création


Au cours du 19è siècle et au début du 20è siècle, la tuberculose fait des ravages, surtout dans la classe ouvrière qui cumule mal logement, malnutrition et promiscuité.
En Europe les premiers établissements de lutte contre la Tuberculose voient le jour dès la fin du 19è siècle, bien souvent sous l’initiative privée d’œuvres sociales financées par des bienfaiteurs.
Implantés à la mer, à la montagne ou à la campagne, le principe est de traiter les malades par la lumière, le grand air et le soleil, par une architecture dite héliotropique. Les tuberculeux et notamment les phtisiques, atteints par la forme pulmonaire qui est la plus courante et la plus contagieuse, sont ainsi éloignés de la surconcentration et de la pollution des villes.
Les aériums sont des établissements au grand air, destinés aux enfants et adolescents de santé fragile, déficients ou convalescents, souvent à risques tuberculiniques qu’il faut soustraire au risque de contamination de leur propre foyer.
Les enfants placés en aérium ne relevaient pas des préventoriums. Ces derniers accueillaient également des enfants et des adolescents, et ou même des adultes, qui étaient positifs à la primo-infection tuberculeuse, mais non encore tuberculeux, et donc non contagieux
Dans les sanatoriums, les malades étaient traités contre la tuberculose, sous ses différentes formes.
Après la seconde guerre mondiale, à la libération, le gouvernement de Charles De Gaulle crée la Sécurité Sociale obligatoire et universelle pour les actifs, par les ordonnances du 9 et 15 octobre 1945, inspirées du programme du Conseil de la Résistance. Elle sera généralisée pour tous par la loi du 22 mai 1946. Ainsi ce nouvel organisme d’Etat va développer à grande échelle des établissements pour prendre en charge la lutte contre la tuberculose au sortir de la guerre.
L’AÉRIUM DE SAINT-FORTUNAT
Passage obligatoire pour les enfants fragiles

C’est dans ce contexte que la Caisse Régionale de la Sécurité Sociale Rhône-Alpes (qui s’appellera ensuite la Caisse Régionale d’Assurance Maladie – CRAM ), achète en Juillet 1946 à la veuve JUENET, pour 1.700.000 d’anciens francs.
La maison comprend au sud une cour haute accessible depuis la Rue Victor Hugo et à l’ouest une importante cour basse toute en longueur, offrant un potentiel d’extension. Elle se située en pleine campagne, mais à proximité de la grande ville de Lyon, dans le Hameau de Saint-Fortunat. Le choix de ce lieu destiné aux enfants, au voisinage de la Chapelle gothique, trouve une résonnance toute particulière puisque cette dernière était un lieu de pèlerinage, réputé guérir les enfants. Mais cela n’est sans doute qu’une heureuse coïncidence…
Le 10 Novembre 1946, la Commission Régionale d’Action Sanitaire et Sociale a donné un avis favorable de principe à la création d’un centre de triage à Saint-Fortunat, destiné à recevoir des enfants, en attendant leur placement dans une maison de cure approprié. Ces enfants relevaient des aériums et de colonies sanitaires, à l’exception du préventorium. Les garçons, les filles et les jeunes enfants de 3 à 5 ans y étaient nettement séparés.
Pour la première période de fonctionnement, les enfants restent dès leur arrivée en box individuels à l’infirmerie pendant 5 à 6 jours, pour éviter les épidémies et les affections transmissibles. Après ce très court séjour d’isolement très difficile à vivre pour un enfant, ils attendent d’aller dans un autre établissement.
Pour la deuxième période de fonctionnement, Saint-Fortunat est prévu comme le lazaret de l’aérium du Domaine de Morancé. Mais ce dernier ayant été aussi acquis en 1946, il faut attendre que les travaux soient finis. Les enfants y font un passage rapide de 21 jours réglementaires.
Le 15 mars 1948: le Ministère de la Santé Publique donne son agrément, selon l’avis émis par la commission de la tuberculose du Conseil permanent d’Hygiène Sociale, au fonctionnement de l’établissement de Saint-Fortunat en qualité d’Aérium, autorisé à recevoir 40 enfants, âgés de 6 à 13 ans pour les filles et de 6 à 12 ans pour les garçons. Mais l’établissement devra équiper rapidement le cabinet médical d’un poste de radiologie.
Mars 1950 : une nouvelle enveloppe financière est dégagée et permet d’achever en 1951 la construction du préau sur la bande de terrain inférieure le long du front de taille d’une carrière, et qui accueille aujourd’hui la cour supérieure de l’école primaire.
Dès 1947
Des travaux ambitieux
La maison élevée sur des voûtes accolées au front de taille de l’ancienne carrière, est composée d’un rez-de-chaussée pour l’essentiel voûté, d’un premier étage et d’un second étage en grande partie en rampants, et donc peu exploitable tel quel.
L’architecte en chef du département du Rhône, Emile POIGNANT, est chargé de transformer cette maison en un établissement médical adapté à recevoir des enfants. Le défi premier est de récupérer de la surface habitable, d’y faire rentrer au mieux le soleil et d’y faire circuler l’air frais. Les premiers devis arrivent en décembre 1946 pour un total de 5.200.000 anciens frs.
C’est au niveau du dernier étage et de sa cinquième façade, la toiture, que les transformations seront impressionnantes. Le pignon nord et les refends seront rehaussés côté ouest avec un effet de redans « à la Tony Garnier ». Certaines parties de toitures resteront à l’identique alors que d’autres seront retravaillées, créant une dysharmonie. Un grand bandeau de baies couronnera la façade ouest. La pièce située à l’angle sud /ouest semble avoir d’abord été prévue en solarium mais a finalement été couverte au cours du chantier pour devenir une terrasse salle de jeux pour poupons, puis plus tard la salle de gymnastique de l’aérium. Les autres façades n’ont été dans l’ensemble que peu modifiées.
Par la suite, Louis Weckerlin, architecte en chef de la ville de Lyon de janvier 1953 à la fin septembre 1968, et élève de Tony Garnier, va désormais se voir confier par la CRAM tous les projets de l’aérium dès 1952 et jusqu’en 1971. L’architecte Jean-François Sériziat prendra ensuite le relai des projets jusqu’à la fin, en 1985.
OCCUPATION DES LOCAUX
Et fonctionnement de l’aérium

L’aérium prenait en charge 40 enfants pour des séjours longs. 25 enfants étaient logés au premier étage, répartis dans 3 grands dortoirs et 15 enfants l’étaient au second étage dans un très grand dortoir. Garçon et filles avaient des dortoirs et des sanitaires/douches séparés.
Toute l’intendance était gérée sur place ; un service de cantine pour nourrir et accueillir les enfants et environ 20 adultes, et une buanderie digne d’un hôtel occupaient le RDC. Les légumes étaient stockés dans les caves. Une lingerie avec un espace raccommodage était au second étage. Il y avait tout le matériel nécessaire pour gérer les espaces verts.
Le suivi médical des enfants se faisait au second étage, on y trouvait:
- un cabinet médical
- une salle de radioscopie
- une infirmerie avec des box.
- Une salle de rééducation sera installée sous le préau en 1978.
L’accueil et le bureau de la directrice était au premier étage. Les parents pouvaient rendre visite à leur enfant tous les dimanches. 8 membres du personnel étaient logés sur place, au 1er et au 2è étage, ou dans les annexes, et dans des conditions très peu confortables pour certains.
L’enseignement était assuré dans des salles de classes en annexes. Il y avait aussi de salles de jeux au rez-de-chaussée de la maison, et des espaces de jeux en extérieur. Des achats étaient faits tous les ans pour agrémenter le séjour des enfants: babyfoot, balancelles pour cour, appareil à projection de film, petit manège à chevaux, télévision,…
Le suivi médical était assuré par toute une équipe. Il y avait du personnel médic
al à la vacation : Un médecin généraliste venait quotidiennement et un pédiatre hebdomadairement.
Le personnel paramédical était essentiel de jour comme de nuit :
- 8 monitrices et auxiliaires puéricultrices
- 6 infirmières
- des aides-soignantes stagiaires
- un masseur-kinésithérapeute
- un orthophoniste, diplômés d’Etat, en vacation.

En mars 1973, une commission départementale de l’Education Nationale s’est rendue à l’aérium. Les participants se sont intéressés tout autant au fonctionnement des classes qu’à l’aérium lui-même. Il est fait état des résultats spectaculaires obtenus, de la satisfaction des familles rencontrées. Dans le compte-rendu il est noté « le climat général de l’établissement et son caractère familial leur ont paru également remarquable. Melle Blondeau qui a présenté les locaux, a indiqué lors de la visite des classes, le caractère particulièrement efficace de l’enseignement pratiqué aux enfants et a souligné la compétence et la conscience des maîtres actuellement en fonction ». La délégation a précisé qu’elle interviendrait auprès de l’Académie pour obtenir le détachement d’un 3 ème instituteur. Mais pour cela il faudrait aménager un local approprié. Mlle Blondeau a souligné que cette organisation était prévue dans un proche avenir.
Il a été relevé aussi l’intérêt de la réalisation de la salle d’orthophonie. La délégation est repartie très satisfaite, avec une excellente opinion du fonctionnement de l’aérium.

ACQUISITIONS FONCIÈRES ULTÉRIEURES

UN ÉTABLISSEMENT PERPÉTUELLEMENT EN TRAVAUX
La directrice, Melle Blondeau, en poste depuis janvier 1964, a toujours veillé à ce que son établissement soit bien entretenu. L’entreprise Collonge de Saint-Didier a été maintes fois sollicitée pour les petits comme les gros travaux de maçonnerie. On retrouve également l’entreprise Quignon pour les problèmes d’étanchéité qui étaient légion et l’entreprise Joubert puis Thonnerieux pour les travaux de serrurerie. Les sols, les peintures, les menuiseries intérieures et extérieures, les enduits de façades, l’installation électrique, l’éclairage, la téléphonie, la sécurité incendie, les sanitaires, les problèmes d’étanchéité, sont autant de postes qui demandent un entretien permanent et des améliorations récurrentes durant 40 ans de service.
Des travaux plus lourds ont également été réalisés dans l’établissement :
- 1956 : Une station d’épuration des eaux résiduelles est fonctionnelle.
- 1962 : Réfection totale de l’installation de la chaufferie datant de 1947. Elle est vétuste, dangereuse et le stockage du mazout n’est plus du tout conforme. Une extension, avec une chaufferie dans les annexes sera réalisée, mais l’eau chaude n’arrivera dans les trois chambres qu’en 1967. Une cuve à mazout de 20.000 litres sera enterrée dans la petite parcelle acquise en 1959. La maison « Guillerd », dans laquelle est logée la directrice, sera raccordée en 1963, au chauffage central de l’aérium via une tranchée dans la rue Victor Hugo.

- 1962 : Réorganisation de la cuisine avec nouveau fourneau, extraction forcée, chambre froide, … Et changement du matériel de la buanderie: machine à laver à tambour, essoreuse centrifuge, séchoir à tiroir sont remplacés. Des travaux pour tenter de drainer les infiltrations d’eau et de suintements, au pied de la façade Sud sont réalisés. Ses problèmes demeurent encore aujourd’hui….
- 1963-1964 : Réhabilitation de la maison « Guillerd » de la directrice
- 1964 : Réfection du mur de soutènement sous la parcelle 97 / rénovation des classes / rénovation des locaux du RDC et des dortoirs du premier étage /peintures des façades.
- 1966 : Réaménagement de la salle de gymnastique au second étage en un dortoir de 5 lits pour les tout- petits avec espace sanitaire indépendant / Création d’une tisanerie. La réparation du mur de soutènement de la cour inférieure, sur la place Martel, qui menaçait de s’effondrer sur l’arrêt de bus n’a été réalisée que fin 1966 alors que le maire de Saint-Didier, Mr Loiselet l’exigeait depuis 1 an. L’escalier de secours sur la façade Sud n’est pas solide et surtout pas aux normes. Il est entièrement refait et est encore en place aujourd’hui.
- 1967 : Réaménagement complet des pièces sanitaires du 1er étage utilisées par 40 enfants ! des baignoires-sabot remplaceront les douches. La commune a déployé son réseau de collecteur des eaux usées en 1967. L’aérium doit obligatoirement s’y raccorder. Il est invité à le faire rapidement, d’autant que depuis 1966, Le maire, Mr André Loiselet, se plaint de l’état défaillant de la fosse septique et de ses canalisations branchées sur le caniveau communal qui laissent échapper des effluents sur la route…
- 1970 : aménagement sommaire du parking puisque l’aérium souhaite déménager, avec consolidation du mur de soutènement sur la rue Victor Hugo. Les autres travaux se limitent également à l’indispensable dans ce contexte sachant qu’une nouvelle implantation de l’aérium est souhaitée mais qu’il ne pourra être fonctionnel que dans un délai de 4 à 5 ans.
- 1971 : Une amélioration de la sécurité de l’aérium doit être réalisée. Un escalier de secours métallique, déjà envisagé en 1964, va être installé sur le pignon nord, depuis le second étage. La solution avec toboggan, également étudiée en 1967, n’a pas été retenue compte tenu de l’état physique de certains enfants.
- 1973 : Percements de deux passages dans des refends du 1er étage pour répondre aux exigences des issues de secours et facilité l’organisation de la future unité pour les 3/6 ans.
- 1976 : Eboulement partiel du mur de soutènements sur la place Pradel en octobre. Ce sera réparé en novembre.
- 1978 : le palier ancien de l’escalier en pierre entre les deux cours est fissuré. Son surplomb sera comblé par du béton et un parement de pierres, pour créer un appui. Construction d’une salle de Kinésithérapie sous le préau – Projet de JF Sériziat
- 1981 : Remplacement d’une verrière par trois Skydomes
UNE RECONVERSION PROGRESSIVE
d’aérium à maison médicale

En 1943, l’américain Albert Schatz met au point le premier antibiotique contre le bacille du koch.
Ensuite grâce à la vaccination la tuberculose devient plus rare ; l’aérium prend une orientation de plus en plus médicale dès 1965.
La création du dortoir de 5 lits avec cabinet de toilette indépendant, pour les tout-petits est déjà dans les esprits dès 1959 compte tenu de l’augmentation du nombre de malades alités. Mais il ne sera fini qu’en 1966 en lieu et place de la salle de gymnastique, après l’obtention de l’agrément le 20 avril 1965 pour étendre l’accueil à 45 lits.
Cette extension pour 5 lits a été obtenue alors
que nationalement les besoins sont suffisants, que les taux d’occupation ne sont pas satisfaisants sauf du 15 juin au 1er octobre, ce malgré une diminution des établissements. Cet accord favorable est dû au fait que les enfants admis à Saint-Fortunat reçoivent des soins directement en liaison avec les services hospitaliers de Lyon et qu’il n’avait plus un véritable caractère d’aérium.
Un agrandissement nécessaire pour répondre aux besoins des hospices de Lyon
Suivant une enquête, sur les 6 premiers mois de 1969, 102 enfants sont entrés dont 99 adressés directement par les services pédiatriques des hôpitaux de Debrousse et Edouard Herriot pour l’essentiel. Près de 90% ont été maintenus alités 15 à 20 jours avant leur vraie convalescence. Ils sont suivis quotidiennement par un médecin généraliste et hebdomadairement par un pédiatre. Environ 10 enfants par mois vont en consultations hospitalières, accompagnés d’une infirmière. Le retour en famille est quasiment systématique. Les affections traitées sont très diverses ; Pneumopathie virale, surdité, bégaiement, néphrose, dysorthographie, méningite purulente, fracture, hépatite virale, traumatisme crânien, thorax en entonnoir,… Il y a même des enfants martyrs.
Saint-Fortunat est un maillon indispensable à la chaine Hospitalière ; c’est le seul établissement de la région Rhône-Alpes à proposer aux hôpitaux un service de soins dégressifs et de convalescence. La Sécurité Sociale se voit ainsi gérer, bien malgré elle, un service quasi hospitalier.
Mais malgré une rotation rapide, les enfants séjournant entre 1 et 3 mois pour la plupart, il faudrait porter la capacité à 60 voire 80 lits
Recherches d’un terrain pour une nouvelle construction
L’aérium de Saint-Fortunat est trop exigu, trop ancien, et ne peut apporter, malgré tous les efforts faits depuis des années, les conditions matérielles et rationnelles attendues pour sa nouvelle destination. Par exemple, Les enfants déficients mais non malades, sont alités une longue période, obligeant le personnel à constamment monter et descendre les plateaux repas, les soins.
Cet extrait de la commission des établissements et bureau des marchés du 17 septembre 1968 résume bien la situation :
« Nous soulignons, en effet, que depuis 1966, le caractère très nettement médical de l’aérium s’est confirmé, que les techniques ont évidemment évolué et que, malgré tous les agencements réalisés, nous ne parvenons pas dans ces locaux anciens à donner à nos pensionnaires des conditions d’hébergement suffisamment rationnelles eu égard à la gravité des cas traités. En outre, la mauvaise distribution des locaux rend particulièrement difficile le travail du personnel (nombreux repas servis au 2ème étage aux enfants alités alors qu’il n’y a pas de monte-plats ni ascenseur, enfants descendus à l’extérieur sur les bras, etc… »
Suite à une visite le 20 Août 1970 de l’aérium, Mr Janin, président de la CRAM écrit ceci :
« (…) locaux d’hébergement fort bien tenus propres, agréables, bonne ambiance (…). Je renouvelle, ce que j’ai dit dès ma première visite : les bâtiments, malgré l’excellent parti qui en a été tiré, n’ont pas été conçue pour l’usage actuel ; les innombrables niveaux, escaliers, couloirs, sont pour le personnel des sujétions exténuantes. Si la nécessité d’un établissement semblable est indiscutable, son transfert s’impose dans un lieu et des conditions à décider par le Conseil d’Administration. En vue de ce transfert, il faut dorénavant n’envisager que les frais d’entretien indispensables. »
Ainsi, le Conseil d’Administration de la CRAM décide le 15 septembre 1970 de vendre la maison et de réaliser une nouvelle construction sur un autre terrain, permettant aussi de loger dignement le personnel sédentaire.
Melle Blondeau n’a pas attendu cette décision et elle est déjà en recherche d’un terrain depuis 1969 et le sera encore en 1972.
En janvier 1970, la « villa Pomome », au quartier Letra ,est à vendre par Mr Berthollet. Une parcelle de 5000 m² intéresse la CRAM mais elle est trop chère.
En novembre 1970, c’est à Limonest, quartier de Saint-André, un terrain bien ensoleillé est à vendre. Mais il nécessite une demande de dérogation d’urbanisme pour se libérer d’une servitude de « non altius tollendi » qui restreint la hauteur des constructions à un niveau R+1. Entre temps, le terrain est vendu à quelqu’un d’autre.
Entre juillet 1970 et 1971, le site de la « Maisonnée » de Francheville est également envisagé, sur un terrain jouxtant la pouponnière. Mais Melle Blondeau le juge trop proche du trafic routier.
Par ailleurs, les sites de Morancé et du Val Rosay, appartenant à la CRAM, ne sont pas retenus.
Statu quo : Même lieu, même nom.
La réunion du 19 octobre 1971, entre la CRAM et les représentants des Hospices civils de LYON, va tout remettre en cause. Des représentants de l’aérium de Saint-Fortunat seront présents, dont Melle Blondeau. Sont également présents des médecins-conseil.
C’est l’avenir de l’établissement qui se joue ici.
- Intérêts de l’aérium :
Le coût journalier est inférieur à celui d’un centre hospitalier. Sa proximité géographique des centres hospitaliers lyonnais est un avantage. Et le traitement en soins dégressifs dans un centre accueillant comme celui de Saint-Fortunat, sera toujours plus apprécié des familles que ceux à l’hôpital.
- Défauts de l’aérium :
Les besoins hospitaliers en pédiatrie sont en diminution de façon remarquable. (exemple fait de l’hôpital René Sabran à Giens). Citation de Mr Veyret, directeur général des Hospices Civils de lyon : « Si nous n’avions pas des enfants nord-africains, certains de nos établissements seraient déjà fermés »).
- Décision :
Dans ce contexte, la prudence est de ne pas construire un nouvel établissement mais de conserver l’actuel car il répond aux besoins de « dégagements » des hôpitaux pédiatriques lyonnais.
Il faut garder le nom d’AERIUM car il permet d’avoir la souplesse d’accueillir des malades de diverses catégories ;
La conclusion est le maintien pur et simple du potentiel actuel sous le nom actuel d’ « aérium ».
Malgré cette décision, Melle Blondeau, qui nourrit un grand espoir depuis 4 ans sur le champ de 4000 m² attenant à une propriété, se rapproche de Mr Sériziat qui vient d’en hériter en 1972. Ce terrain est presque contigu avec la cour basse de l’aérium (il semble se situer derrière l’actuel préau de l’école publique), ce qui permettrait de faire une extension. Evidemment ceci n’aboutira pas.
1973 : Création d’une unité pour les enfants de 3 à 6 ans
En 1972, l’aérium a encore une grande utilité puisqu’il y a une demande croissante pour les très jeunes enfants de 3 à 6 ans.
Une demande d’agrément a été faite par Melle Blondeau en février 1972.
Son obtention devient urgente pour éviter les formalités et la perte de temps des demandes de dérogations à la Préfecture, afin de pouvoir recevoir de très jeunes enfants. Hors leurs placements est à faire en urgence et il faut alors le faire sans certitude de dérogation ce qui est risqué en cas de contrôles. Melle Blondeau écrit : «L’utilité réelle de notre établissement est d’être prêt à recevoir immédiatement … Nous avons dans la maison un certain nombre d’enfants à placement « longue durée » d’une part, et, de plus, nous acceptons pratiquement tous les cas sauf les très gros débiles. Nous acceptons les enfants d’IMP ayant subi des interventions ou atteints de maladies graves, par exemple. »
Les services des 3-5 ans et les 6-10 ans seront concentrés au 1er étage pour limiter les escaliers.
Pour obtenir l’agrément, et faciliter l’organisation, des aménagements seront nécessaires au premier étage ; le plan des issues de secours sera revu et deux ouvertures vont être percées en 1973 dans les refends, dont une avec créations de marches, pour satisfaire aux exigences de la commission de sécurité en ce qui concerne l’évacuation des locaux.

DES PROJETS QUI NE VERRONT JAMAIS LE JOUR
- 1964 : Projet d’aménagement d’un jardin paysagé et d’un parking.

- 1966/1968 : Projet extension sur le parking : logements du personnel
Le 18 octobre 1966, le CA a demandé l’étude d’un projet de construction de chambres du personnel sur le terrain actuel du parking. Il y a un en effet un grave déficit de logements pour le personnel de l’aérium. Il est difficile de recruter du personnel car il est essentiellement composé de jeunes filles célibataires, venant d’autres départements (Loire, Doubs, Saône et Loire, Savoie) qu’il faut donc loger sur place compte tenu de l’éloignement de l’aérium de Lyon. Il y a une carence d’au moins 8 chambres, sans compter des éventuelles embauches ; les infirmières, monitrices, serveuses, auxiliaires de puériculture, stagiaires, sont pour certaines logées à plusieurs dans une petit chambre, ou dans des sous-pentes, des couloirs, alcôves…
L’architecte Louis Weckerlin fait le projet d’un bâtiment sur deux étages sur le terrain du parking, accolé au pignon Nord de l’aérium et communiquant avec ce dernier à chaque étage. Il offre 6 chambres individuelles avec wc, douche et lavabo ainsi qu’un logement de 2 pièces pour l’infirmière chef. Un parking de 3 à 4 voitures est également prévu. Un permis a été accordé le 9 novembre 1967 et une prolongation d’un an a été faite le 9 septembre 1968. La durée du chantier est estimée à 15 mois. Le projet sera finalement abandonné pour différentes raisons.
Lors de la commission des établissements et bureau des marchés du 17 septembre 1968, il apparaît que la situation quant au logement du personnel est devenue moins critique car des monitrices se sont mariées avec des personnes du village et ne sont plus à loger puisqu’elles vivent à proximité.
L’établissement, même avec cette extension et tous les travaux accomplis, ne pourra jamais satisfaire aux besoins de l’aérium devenu une maison médicale pour enfants. Et il n’y a pas assez de lits proposés face à l’importance du personnel à payer, ce qui n’est pas rentable. Ceci augmente le prix de la journée à l’aérium.
Ainsi la meilleure solution serait de trouver un terrain ou d’utiliser un terrain propriété de la CRAM, pour y construire un nouvel établissement plutôt que d’essayer d’améliorer un bâtiment qui ne plus l’être car non approprié. Ceci rejoint la décision du CA du 17 septembre 1970 vue précédemment.

- On a évité le pire !
Un premier projet conçu par Louis Weckerlin est visible sur le plan de reconversion de la salle de
gymnastique en dortoir au 2ème étage. Daté de 1964, on voit un ascenseur dessiné dans la verrue en pierre du 17ème ou 18ème siècle qui ferme le balcon du sud, en lieu et place des wc !
Un autre projet d’ascenseur en verrue est proposé en 1965 sur la façade ouest mais finalement abandonné. Si on peut se réjouir de cet abandon qui aurait été très préjudiciable à la maison des Carriers, on peut comprendre que le personnel l’ait espéré. Il fallait en effet porter le matériel, parfois les repas et surtout porter les enfants alités entre les différents niveaux. Le besoin demeurant, un permis de construire pour un ascenseur, de l’architecte JF Sériziat, est déposé le 28 avril 1983 en mairie de Saint- Didier. Mais le projet semble être le même que celui de 1965.

1985 – FIN DE L’AERIUM
En Juin 1985, l’aérium et la maison Guillerd sont mis en vente par des agences immobilières.
En Juin 1985, l’aérium et la maison Guillerd sont mis en vente par des agences immobilières.
Des encarts publicitaires sont mêmes parus dans les journaux locaux le « 69 », « Hebdo » et « Tout Lyon ».
« Vend dans secteur très calme, villa ancienne de l’Aérium de Saint-Fortunat, 100 m2 habitables + 33 m2 grenier, 2 niveaux, dépendance 40 m2, 232 m2 de terrain, construction en pierre, bon état.».
« Saint-Didier au Mont d’Or : vends dans secteur très calme, anciens locaux de l’Aérium de Saint-Fortunat comprenant 2 corps de bâtiments principaux + préau ouvert + atelier, surface totale des locaux 1100 m2 construction en pierre 19è siècle, bon état. »
On peut remarquer la notion approximative de l’âge de la maison… Mais la commune de Saint-Didier est très intéressée par l’achat de l’aérium seul. Cette décision est votée à l’unanimité lors du Conseil Municipal du 11 Juillet 1985, sous le mandat d’Yves Berger. Il est demandé à la Courly d’exercer son droit de préemption comme ceci est d’usage, et d’ensuite rétrocéder à la commune le bien. La Courly acquiert la maison le 12/14 Novembre 1985 au prix de 1.050.000 francs. Par une Convention de mise à disposition entre la CRAM et Saint-Didier, la commune va disposer des lieux de façon anticipée dès le 25 octobre 1985, avant la vente effective à la Courly.
La rétrocession par la Courly se fera par un acte administratif d’acquisition le 15 février 1988. Les lieux sont déjà investis : La cantine de l’école primaire est ainsi logée en lieu et place de celle de l’aérium. L’école de musique a investi le premier étage, et la bibliothèque municipale le second. L’architecte JF Sériziat réalisera les plans de modifications.
La page de l’aérium se tourne en 1985, une nouvelle vie communale commence pour la demeure alors baptisée « Maison des Carriers ».
Hommages à Jeanine BLONDEAU
Gérer un tel établissement, aussi longtemps, dans de telles conditions, a été un véritable sacerdoce.
Ceci a été rendu possible par toute une équipe à qui il faut rendre hommage et plus particulièrement à la directrice, Melle Blondeau. Elle a pris en main l’aérium au début des années 60 jusqu’à la fin en 1985, succédant notamment à Melle Chana. Infirmière de formation, elle a dû tout gérer en plus de la partie administrative et médicale des enfants. Il fallait sans cesse faire entretenir cette vieille bâtisse mise à rude épreuve, initier des projets architecturaux pour « pousser les murs ». Tout cela en étant suspendue aux approbations administratives des instances supérieures qui tenaient les budgets, et à leurs décisions politiques en matière de santé publique.
Parallèlement au bien-être des enfants, Il était essentiel à ses yeux que l’établissement face bonne impression, que les parents soient bien accueillis.
Elle souhaitait par exemple en 1969, faire construire un abri pour les familles sur le parking du haut : « En effet, le dimanche, certaines familles arrivent par le trolleybus une demi heure avant l’ouverture de portes. Elles sont agglomérées rue Victor Hugo avec les nombreux frères et sœurs et cela pose des problèmes. Aussi, la mise en place d’un abri des familles, préfabriqué comme cela se voit dans beaucoup d’endroits, serait d’une part plus accueillant, d’autre part, éviterait l’attente, pendant les visites, de tous les enfants dans ce petit hall d’entrée ».
En 1971, à propos de l’état des peintures des dortoirs usées par les lessivage successifs et l’état du grand hall : « la propreté est ce qui se voit au premier regard et je désirerais, sur ce point, que notre établissement soit irréprochable ».
Chapeau bas !
Remerciements
- Mr Bruno Gourry pour sa bonne compagnie lors des heures passées aux archives de la sécurité Sociale de Vénissieux.
- Le cabinet Oxygène – Manon Giudicelli – Vincent Limonne – Architectes du patrimoine – pour ce précieux dépliant sur l’aérium de Saint-Fortunat.
Sources :
- Archives municipales de Saint-Didier au Mont d’Or
- Archives de la Sécurité Sociale – site de Vénissieux